Extrait d’un récit de vie

Auguste au centre avec deux hommes du village
        « Je suis allée à l’école à cinq ans en 1943. Je faisais ma rentrée au CP avec ma première institutrice Mme B. qui venait de F. et est restée un an. Nous étions une petite douzaine à suivre la classe du CP au CM2.
        Ensuite, quand j’ai eu sept ans, il y a eu une deuxième institutrice, Mme C. mariée à Raymond C., agriculteur du village. Tous les deux habitaient au premier étage dans l’appartement au-dessus de la classe. Lui était aux travaux des champs et à la chasse, et elle, faisait la classe juste en-dessous, sévère et exigente jusqu’à la perfection. Elle ne supportait pas le travail approximatif et n’hésitait pas à distribuer des gifles si le travail rendu ne lui convenait pas. Ce qui était terrible c’est qu’elle avait deux souffre-douleur, Reine, enfant frêle et effacée, et Jean mon frère. A l’époque pas question que les parents s’en mêlent  ni même ne désapprouvent.
        Il y avait aussi Raymond dans la classe, fils d’un immigré espagnol et frère de Marinette, c’était un élève brillant en tout. Comme il finissait tout avant les autres, l’institutrice, entre deux devoirs, l’envoyait vérifier que son mari était bien à travailler la vigne. Elle avait visiblement quelques soupçons de laisser-aller dans son travail, voire dans sa vie conjugale, ce que tout le monde confirmait aisément.
(…)
        Je suis née en 1938 et n’ai donc pas connu mon arrière-grand-père Auguste mort deux ans avant ma naissance, ni sa femme Marie-Thérèse qui l’a suivi peu de temps après, de chagrin parait-il. On disait que c’était un couple très uni. Marie-Thérèse avait la réputation d’être une femme propre – grande marque de distinction à cette époque où il était courant de sentir la pisse – « bien mise » et coquette. Elle avait, m’ont dit ceux qui l’avaient connue, un penchant pour les jupes plissées. »